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Les sapeurs pompiers et le risque chimique

Préambule et historique

Dans le domaine du risque chimique, les sapeurs-pompiers exercent leurs prérogatives à plusieurs niveaux :

  • Au stade des études,
  • Lors de visites de sites,
  • Lors d’exercices,
  • Sur les accidents de transport,
  • Lors d’interventions sur des sites « fixes »,
  • Par la réalisation de plans d’établissements répertoriés (ETARE).

Historiquement, les sapeurs-pompiers ont, de tout temps, traité ce que l’on a longtemps regroupé sous le vocable fourre-tout « d’anti-pollution ». Jusqu’à une certaine année 1976. Si elle fût celle d’une sécheresse mémorable et d’un impôt resté tout aussi célèbre, nous nous focaliserons plus particulièrement sur un certain 10 Juillet… Une fuite de dioxine dans une usine de Seveso (Italie), précédée par l’explosion de l’usine chimique de Flixborough (GB) le 1er Juin 1974, vont pousser les pouvoirs publics à réagir, à l’échelle européenne et sous deux angles :

  • L’évolution de la réglementation,
  • Les moyens d’intervention.

Le premier point sera matérialisé par l’avènement de la directive européenne 82/501/CE, dite « Seveso », dont la version III est actuellement celle en vigueur. [1]

Concernant le deuxième item, il faudra attendre le 14 Mai 1986 pour que la direction de la sécurité civile (ancêtre de la DGSCGC actuelle) crée, en France et par circulaire signée par le ministre de l’intérieur, les cellules mobiles d’intervention chimique (CMIC), au sein des SDIS. 26 départements furent, à l’époque, considérés comme prioritaires dans l’attribution des dotations initiales de l’Etat. Aujourd’hui, l’immense majorité des SDIS dispose d’au moins une CMIC (22 en possèdent au moins deux). [2]

Au stade des études

Réglementairement parlant, les sapeurs-pompiers n’ont, en théorie, qu’une seule compétence : celle de l’évaluation des besoins en eau dans le cadre de l’étude de la défense extérieure contre l’incendie (DECI). Sauf que pour pouvoir réaliser une étude correcte, il faut s’intéresser un minimum au process et aux contraintes de production comme de stockage du site. Sur des lieux de production complexes, principalement pour ceux soumis à POI et/ou PPI, c’est quelquefois de véritables groupes de travail pluridisciplinaires qui se mettent en place, avec :

  • Des sapeurs-pompiers des services « prévision » des SDIS,
  • Des sapeurs-pompiers spécialisés dans l’intervention contre le risque chimique,
  • Des représentants des DREAL (les ex DRIRE),
  • Des représentants de l’industriel.

L’objectif est d’optimiser les moyens de défense du site, que ce soit quantitativement ou en termes d’implantation, en répartissant « judicieusement » les agrès, en fonction de l’existant. La DECI peut, génériquement, s’organiser par :

  • Des bouches ou poteaux d’incendie implantés sur le domaine public,
  • Des poteaux privés, à la charge du générateur de risque,
  • Des citernes installées en complément et à l’intérieur de l’enceinte du site,
  • L’aménagement de points d’aspiration si le site a la chance de disposer d’une réserve d’eau « inépuisable » (marre, étang, canal, rivière…).
  • Pour les sites qui le nécessitent, le calcul des réserves d’émulseur fait aussi partie de « l’exercice ».

Lors de visites de sites

Ces visites peuvent avoir lieu principalement dans deux cas de figures :

  • A la demande de l’industriel,
  • Lors de la réalisation des plans ETARE.

Il est fréquent que les sapeurs-pompiers soient alors amenés à prodiguer moult conseils, quelquefois de simple bon sens, comme :

  • Ne pas stocker les produits incompatibles entre eux au même endroit,
  • Séparer les produits compatibles avec l’eau avec ceux qui ne le sont pas et ne pas les regrouper dans le même volume,
  • Ne regrouper en un même lot que les produits non seulement compatibles entre eux mais dont le traitement est le même (même agent extincteur, même absorbant, même mode de neutralisation…).

Le tout, en restant compatible avec le process. Cela peut faire sourire voire laisser dubitatif… mais quand on sait ce qu’il nous est donné de voir certains jours ! Surtout dans les petites unités de type PME, dont les seuils de classement font qu’elles ne sont soumises ni à POI et encore moins à PPI. Comme dans tous les domaines de la sécurité, qu’elle soit civile, anti-terroriste, militaire ou autre, la détection, donc le « traitement », de « tout ce qui vole en-dessous des radars » reste le plus compliqué…

Cela a incité les SDIS à construire des matrices spécifiques d’analyses de risques.

Lors d’exercices

Les exercices peuvent être organisés :

  • Soit parce qu’ils sont obligatoires (cas des installations soumises à PPI, par exemple),
  • Soit à la demande de l’industriel,
  • Soit à la demande du SDIS, dans le cadre de ce que nous dénommons « la connaissance de secteur » [NDLA : d’intervention].

Ces exercices peuvent poursuivre plusieurs objectifs, comme :

  • Tester la chaîne d’alerte,
  • Tester la chaîne de commandement,
  • Valider un ou plusieurs scénarios du POI et/ou du PPI,
  • Evaluer le degré de préparation de la coopération interservices,
  • Impliquer d’autres acteurs qui peuvent être impactés par les effets d’un incident grave sur le site (riverains, écoles, autres industriels…).
  • Pour les très gros établissements, seuls un ou deux items sont testés sur un exercice unitaire.

Sur les accidents de transport

Les accidents de transport de matières dangereuses ont fréquemment défrayé la chronique. Souvenons-nous :

  • Chavanay (Loire – 3 Décembre 1990) : déraillement suivi de feu d’un train transportant de l’essence sans plomb,
  • Aix-les-Bains (Savoie – 15 Mars 1992) : déraillement suivi de feu d’un train de matières dangereuses (dyméthylamine, ammoniac),
  • La Voûlte (Ardèche – 13 Janvier 1993) : déraillement suivi de feu d’un train transportant divers hydrocarbures liquides,
  • Saint-Galmier (Loire – 21 Mars 2000) : déraillement d’un train transportant, entre autres, de l’acide nitrique et de l’acide fluorhydrique.

Quelques exemples, parmi ceux restés les plus célèbres de ce que d’aucuns qualifient de « Seveso mobiles » ou, plus trivialement, de « Seveso à roulettes ». Mais la route n’est pas en reste et, chaque année, les SDIS font face à nombre d’accidents de la route impliquant des poids-lourds « TMD ».

Génériquement, la mission des SDIS est simple : faire cesser le risque. Mais la diversité des produits comme des situations rencontrées font qu’aucune intervention ne ressemble à une autre. Les actions menées vont de l’identification du (ou des) risque(s) au dépotage, en passant, potentiellement, par la mise en place d’un réseau de mesures, le colmatage de brèche, l’absorption, le pompage sur plan d’eau… Sans oublier l’inertage et le relevage de la citerne, en appui des moyens spécialisés (camion-grue, grue ferroviaire…).

Les transports sous douane constituent également un cas particulier. Généralement, ces transports sont « plombés », pour d’évidentes raisons de contrôle. En conséquence, certaines manipulations, comme l’ouverture des trous d’homme des compartiments restés intacts après l’accident, ne doivent s’opérer, dans la mesure du possible, qu’en présence du service des douanes. Et il n’est pas rare qu’un huissier de justice soit missionné pour auditionner les intervenants (en tout cas, les principaux) sur ce qu’ils ont fait ou vu…

Lors d’interventions sur des sites « fixes »

Les interventions sur sites industriels relèvent de trois catégories :

  • Celles que nous qualifierons de « courantes »,
  • Dans le cadre d’un POI,
  • Dans le cadre d’un PPI.

Les opérations « courantes » se déroulent généralement dans les plus petites entreprises qui ne disposent pas d’un service de sécurité interne, dans les (petits) dépôts et les messageries, quelquefois chez des agriculteurs ou des particuliers. Elles ne diffèrent pas du cadre général des interventions quotidiennes.

Dans le cadre d’un POI, les sapeurs-pompiers interviennent sous le contrôle de l’exploitant. Le directeur de l’entreprise prend la dénomination de DOI, pour Directeur des opérations internes, assisté de l’un de ses cadres (généralement, le chef de son service de sécurité ou un ingénieur de l’unité de production en cause), le COI (Commandant des opérations internes). L’objectif recherché est alors, légitimement, celui de sauver l’outil de production.

Si le PPI est déclenché, c’est que les effets du sinistre ont dépassé les limites du site. Le préfet devient alors le directeur des opérations de secours (DOS). Les sapeurs-pompiers changent de patron, deviennent COS (Commandant des opérations de secours) mais, surtout, l’objectif n’est désormais plus le même : il s’agit de faire cesser la cause et de gérer les conséquences de l’événement, qu’elles se situent à l’intérieur de l’emprise mais aussi à l’extérieur. Pour ce faire, toute une chaîne de commandement se met en place avec un PC de site ou PCO (si interservices et présence d’un membre du Corps préfectoral) qui va gérer le sinistre (et ses effets immédiats) et un COD (Centre opérationnel de défense, en préfecture) qui lui, va prendre en charge les conséquences (coupures de routes, réorganisation des circuits de ramassage scolaire, évacuations, hébergement d’urgence…).

Par la réalisation de plans d’établissements répertoriés (ETARE)

Un plan ETARE est un document synthétique qui permet aux intervenants, surtout les premiers d’entre eux pour qui le temps est plus que compté, d’avoir une idée précise de la configuration d’un site industriel, de savoir où se trouvent les points névralgiques et/ou dangereux, d’identifier l’ordre de priorité des biens à sauvegarder (lorsque l’on a le « choix »…), etc.

Généralement, on trouve :

  • Une fiche de synthèse,
  • Un plan de situation,
  • Un plan masse,
  • Un plan détaillé de chaque bâtiment, agrémenté de photo(s) et de commentaires.

L’ensemble de ces plans comporte bon nombre de surcharges (accès, implantation des points d’eau, points dangereux, points névralgiques…).

Dans la fiche de synthèse figure, entre autres, une grille-type, dite RISCA. Forte d’une quinzaine d’items, elle mentionne, pour chacun d’eux, les difficultés que présente le site, selon un code couleur qui ne nécessite pas de légende (vert, jaune, orange, rouge, éventuellement noir). Les items de la grille RISCA sont regroupés autour de 5 thématiques :

  • R pour risques :
    – pour les personnes,
    – pour les biens,
    – pour l’environnement,
  • I pour implantation :
    – délai d’acheminement des secours,
    – accès des engins aux façades,
    – risque de propagation aux tiers,
    – voisinage du site,
  • S pour structure :
    – hauteur par rapport à l’accès des secours,
  • C pour construction :
    – nature – importance – recoupement – stabilité au feu,
    – contenu – charge(s) calorifique(s),
    – évacuation du public / personnel,
    – accès des secours – pénétrantes,
    – cheminements extérieurs – circulations,
    – ventilation et désenfumage,
  • A pour alimentation en eau :
    – Exemple : un site disposant d’un stock fortement fumigène à l’intérieur d’un bâtiment dépourvu de désenfumage verra cet item classé en rouge voire en noir.

Les matériels et équipements

Les cellules mobiles d’intervention chimique utilisent plusieurs types de matériels :

  • Des appareils ou matériels de détection (explosimètres, pH-mètre, papier pH, papier PDF1…),
  • Des outils d’identification (détecteurs mono ou multifonctions, tubes réactifs…),
  • Du matériel d’échantillonnage, [3]
  • Des bases de données documentaires (papier, informatique…),
  • Des outils de modélisation,
  • Des absorbants,
  • Des produits neutralisants,
  • Des moyens de pompage des produits chimiques liquides.

Les rares SDIS qui possédaient encore des moyens de pompage biphasiques ont tendance à les abandonner, eu égard à la maintenance importante que ce type de moyens nécessite, rapporté au faible taux d’utilisation. En cas de besoin, il est alors fait appel à des moyens privés.

Au chapitre protection individuelle, on trouve des tenues « légères », dites également « à usage limité », des scaphandres dits « lourds », de la protection respiratoire (ARICO, ARICF, masques filtrants [4]), des gants de différentes natures (anti-gaz, antiacides, cryogéniques…). Les différents équipements sont revêtus sur ordre, en fonction du ou des produit(s) en cause, du type de tâche à accomplir et de sa durée prévisible, des conditions atmosphériques…

Le protocole TRANSAID

L’expéditeur d’un produit est le seul responsable légal du bon acheminement de celui-ci. Ça, c’est pour la théorie… même si elle est, en l’espèce et juridiquement-parlant, parfaitement exacte. Mais un accident mettant en cause des substances chimiques n’a pas toujours la bonne idée de se produire à proximité de son lieu d’expédition… En conséquence de quoi, l’Union de l’industrie chimique et la direction de la sécurité civile ont signé un protocole d’assistance qui permet aux SDIS d’avoir conseils techniques voire présence physique d’un industriel « de proximité » compétent sur le produit incriminé, en cas de besoin. Ce protocole [5] est régulièrement remis à jour, notamment à la rubrique « ressources ». L’information est disponible par le web, à l’adresse suivante

La convention UIC / SNCF

Le début des années 1990 a vu une explosion des interventions des CMIC sur des wagons TMD, pour des causes fréquemment « futiles ». En conséquence de quoi et dans une philosophie voisine de celle du protocole TRANSAID, l’Union des industries chimiques et la SNCF ont signé, le 10 Décembre 1996, une convention qui définit :

  • Ce qui relève de l’incident,
  • Ce qui est considéré comme accident,

En fonction de plusieurs critères :

  • Code danger du produit,
  • Type et/ou siège de la fuite (bride, vanne, trou d’homme, fissure, brèche…),
  • Débit de la fuite (goutte à goutte, filet continu…),
  • Si le wagon est resté – ou non – sur les rails.

Il a été ainsi convenu que pour ce qui relève de l’incident, la SNCF faisait appel au service de sécurité du chargeur et pour ce qui était considéré comme accident, le concours des services de secours était requis.

Le soutien sanitaire en intervention

Le port des tenues de protection, principalement les scaphandres dits « lourds », la durée de ce type d’intervention, la dangerosité des produits manipulés, les contraintes climatiques dans certains cas, font que les interventions chimiques sont la cause de fortes contraintes physiologiques pour les intervenants et justifient le déploiement d’un soutien sanitaire opérationnel (SSO), de la part des services de santé et de secours médical (SSSM) des SDIS. Au même titre que les feux de forêts, les gros feux industriels ou autres interventions importantes, les interventions à caractère chimique font l’objet d’une grille de « scoring », prenant en compte les éléments suivants :

  • Nature de l’intervention,
  • Effectifs engagés,
  • Durée prévisible,
  • Conditions climatiques,
  • Heure de survenue.

En fonction du total de points obtenu, le niveau de SSO correspondant est déclenché.

Définitions

Prévention

La prévention recouvre tout ce qui concourt à la non-éclosion d’un sinistre. Par des dispositions constructives ou des systèmes d’alerte précoce. Objectif : zéro sinistre mais surtout zéro mort. La prévention est surtout exercée par les services d’incendie et de secours dans les ERP, les établissements recevant du public, par l’utilisation du règlement incendie et panique, ainsi que le contrôle de sa bonne application.

Prévision

La prévision part d’un constat simple : la prévention étant une activité humaine, elle a, forcément et comme toute activité humaine, sa zone d’échec. La prévision comporte essentiellement deux volets :

  • la connaissance du secteur,
  • l’étude de tout ce qui vise à minimiser les conséquences du sinistre, une fois celui-ci éclos.

De ce fait, elle comprend principalement :

  • la cartographie opérationnelle (SIG),
  • l’étude et la réalisation des plans d’établissements répertoriés (ETARE),
  • le calcul de la défense en eau, que ce soit celle d’un établissement isolé (document D9) ou de l’ensemble d’une commune (règlement départemental DECI),
  • le calcul des rétentions nécessaires pour les eaux d’extinction sur les sites industriels ou assimilés (document D9A),
  • la participation active à l’élaboration des plans préfectoraux de secours.

Lexique

  • ARICF : Appareil Respiratoire Isolant à Circuit Fermé,
  • ARICO : Appareil Respiratoire Isolant à Circuit Ouvert,
  • CMIC : Cellule Mobile d’Intervention Chimique,
  • COD : Centre Opérationnel de Défense,
  • COI : Commandant des Opérations Internes,
  • COS : Commandant des Opérations de Secours,
  • DECI : Défense Extérieure Contre l’Incendie,
  • DGSCGC : Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises,
  • DOI : Directeur des Opérations Internes,
  • DOS : Directeur des Opérations de Secours,
  • DREAL : Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement,
  • DRIRE : Direction Régionale de l’Industrie, de la Recherche et de l’Environnement,
  • ERP : Etablissement Recevant du Public,
  • ETARE : ETAblissement REpertorié,
  • PCO : Poste de Commandement Opérationnel,
  • POI : Plan d’Opération Interne,
  • PPI : Plan Particulier d’Intervention,
  • SDIS : Service Départemental d’Incendie et de Secours,
  • SIG : Système d’Information Géographique,
  • SSO : Soutien Sanitaire Opérationnel,
  • SSSM : Service de Santé et de Soutien Médical,
  • TMD : Transport de Matières Dangereuses,
  • UIC : Union des Industries Chimiques.

[1] Seveso I : 82/501/CE du 24 Juin 1982 – Seveso II : 96/82/CE du 9 Décembre 1996, amendée par la directive 2003/105/CE du 16 Décembre 2003 – Seveso III : 2012/18/UE du 4 Juillet 2012, en vigueur en France depuis le 1er Juin 2015.
[2] Seuls 4 SDIS (sur une petite centaine) ne disposent d’aucune CMIC mais font appel aux départements voisins, compte-tenu du faible taux d’activité dans ce domaine sur leur territoire.
[3] Nous évitons le terme de prélèvement qui a une connotation judiciaire bien précise.
[4] Les cartouches utilisées sont généralement des A2B2E2K2P3.
[5] Le premier protocole TRANSAID a été signé le 4 Décembre 1987, en application de l’article 10 de la loi 87-565 du 22 Juillet 1987, dite « sécurité civile ». La version actuellement en vigueur est celle du 12 Mars 2014.

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