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Danger et risque chimique : la formation et les connaissances des Professionnels de Santé au Travail sont-elles adaptées à leur gestion?

Plus de 75 000 enregistrements de produits corrosifs, irritants ou sensibilisants pour la peau, l’œil ou les voies respiratoires sont répertoriées par l’Agence européenne des produits chimiques.

Ces enregistrements regroupent les produits chimiques purs et les mélanges commerciaux. Les critères de classification d’étiquetage ainsi que les règles d’emballage des produits chimiques dangereux ont été unifiés par les recommandations du > ou GHS. Cela permet une meilleure identification des produits dangereux quelle que soit leur origine géographique. Par ailleurs, en Europe, un système d’enregistrement a été rendu obligatoire pour les substances et les mélanges avant leur commercialisation (REACH). Les produits sont enregistrés directement par les producteurs.

Faisant suite à la réforme récente de l’organisation de la santé au travail en France, le nombre d’infirmier(e)s de santé au travail a considérablement augmenté compte tenu de la baisse d’effectif médical. Certes, leur formation spécifique à l’exercice en milieu du travail est presque obligatoire mais est-elle aujourd’hui adaptée à la nécessité du terrain et aux besoins des professionnels ? Les infirmier(e)s sont-ils sensibles à l’évolution de leurs missions ? Disposent-ils des nouvelles compétences dont ils ont et auront de plus en plus besoin ? Certes, la nécessité de nouvelles connaissances se fait ressentir pour les professionnels de santé au travail travaillant dans l’industrie mais elle est tout aussi essentielle dans les hôpitaux et cliniques où les risques chimiques sont également présents.

Si la nécessité d’un lavage précoce fait l’unanimité, il n’existe pas de protocole unifié de la gestion d’une lésion chimique tant au niveau du délai que du temps de lavage.

A ce propos, il y a deux ans, en tant que spécialistes de la maîtrise du risque chimique, nous avons voulu évaluer le niveau de connaissances des professionnels de santé au travail sur le plan international et les sensibiliser à la reconnaissance du danger et à l’évaluation du risque chimique ainsi qu’à sa prévention au poste de travail. Certains d’entre vous avez participé à cette étude. J’en profite d’ailleurs pour remercier toutes celles et tous ceux qui y ont collaboré. Parmi les répondants, 50% sont européens. L’autre moitié des personnes qui ont répondu à l’étude proviennent des BRIC (Brésil, Russie, Inde et Chine), d’Afrique, d’Amérique du sud et d’Asie.

Cette étude par sondage a été faite auprès de plus de 400 médecins et infirmier(e)s. Les questions pouvaient être regroupées essentiellement selon trois axes principaux:

  • le temps alloué, pendant la formation, à la connaissance du danger et à l’évaluation du risque chimique,
  • les connaissances effectives des professionnels de santé au travail dans ce domaine,
  • la gestion des premiers secours face à des lésions chimiques.

Les résultats principaux qui nous ont interpellés sont les suivants :

  • les lésions chimiques concernent la majorité des professionnels de santé au travail (61.45% des sondés y sont confrontés mensuellement).
  • 82% des professionnels sondés distinguent bien la spécificité de la prise en charge initiale des lésions chimiques par rapport à celle des brûlures thermiques.
  • Si la nécessité d’un lavage précoce fait l’unanimité, il n’existe pas de protocole unifié de la gestion d’une lésion chimique tant au niveau du délai que du temps de lavage. Dans cette étude, l’eau, moyen de décontamination de premiers secours traditionnel, reste privilégiée (55% des lavages).

Ces résultats montrent bien l’importance ainsi que l’ampleur du problème qui méritent que nous nous y attardions pour proposer dans un premier temps des pistes de réflexion.

En même temps, les résultats font émerger des questions intéressantes. Tout d’abord, la définition même d’une lésion chimique n’est pas suffisamment maîtrisée par les professionnels de santé au travail (nature, aspect, profondeur, étendue, pronostic évolutif). La méconnaissance de la complexité des paramètres des lésions chimiques ne facilite pas leur évaluation initiale ni la spécificité d’une prise en charge initiale et secondaire. Le nombre de professionnels confrontés à des lésions chimiques de façon régulière et la demande de formation adaptée aux besoins sont également des sujets qui méritent réflexion. 20% des répondants souhaitent approfondir leurs connaissances sur le danger chimiques ; 56% des répondants pensent ne pas avoir suffisamment de connaissances concernant les risques et la prise en charge des victimes. Le temps de lavage suffisant considéré nécessaire par les répondants est aussi très variable, 29% l’estiment inférieur à cinq minutes.

Ces derniers résultats pointent aussi la nécessité de former un public plus large sur les premiers secours et les bonnes pratiques concernant les lésions chimiques

Cependant, à la question : >, 55% des répondants précisent que ce temps est de moins de 5 minutes. Seulement 28% des victimes sont prises en charge par un médecin ou infirmier. 38% sont pris en charge par le collègue le plus proche. Ces derniers résultats pointent aussi la nécessité de former un public plus large sur les premiers secours et les bonnes pratiques concernant les lésions chimiques. On sait, notamment grâce aux études ex vivo, qu’un délai d’intervention dans la minute est crucial. Que les acides diffusent très vite dans les couches superficielles, mais qu’il existe cependant dans les premières heures, une période pendant laquelle un lavage actif retardé peut encore apporter un bénéfice notable.

Certes, cette étude permet de comprendre et de mieux analyser les besoins des professionnels de santé en ce qui concerne la gestion du risque chimique à travers l’évaluation du temps alloué en formation et de leurs connaissances spécifiques sur le sujet. Mais surtout, elle oriente la réflexion vers une gestion du risque chimique dans sa globalité.

En effet on peut aussi se poser la question de l’évolution des pratiques des professionnels de santé au travail. Les recommandations actuelles sont centrées sur la promotion d’une pratique basée sur des cas cliniques permettant de dégager des arguments d’évidence médicale. Des normes européennes et américaines plébiscitent le lavage dans les 10 premières secondes, mais cela nécessite d’avoir pensé le concept de décontamination dans sa globalité, efficacité, ergonomie, et rapidité de mise en œuvre.

Nous avons tous dans nos tiroirs de telles données plus ou moins oubliées dont nous minimisons peut être l’importance. Je me souviens, jeune infirmière de santé au travail, avoir été confrontée à un grave accident du travail par projection d’ammoniac concentré dans les deux yeux d’une jeune femme de trente-cinq ans. Elle hurlait de douleur et a été aveuglée immédiatement. Elle présentait de multiples ulcérations à la surface des deux yeux. La solution Diphotérine® avait été utilisée au-delà de la troisième minute après l’accident. Très vite la douleur s’est calmée. La jeune femme a été conduite aux urgences de l’hôpital de la région. L’ophtalmologue qui l’a examinée était surpris par la limitation des lésions aux couches superficielles de la cornée. La victime n’a eu qu’un arrêt de travail de 9 jours et n’a gardé aucune séquelle aux yeux. Ce cas a fait l’objet de publications. Depuis, des centaines de cas d’utilisation de la solution Diphotérine® sur des lésions chimiques, du cas témoin en passant par les séries aux études cliniques industrielle ou hospitalière ont pu être publiés ; nous pourrions les qualifier d’histoires heureuses comparées aux accidents chimiques qui laissent non seulement des séquelles mais détruisent des visages et des vies.

Il est toujours plus intéressant et plus enrichissant de partager des issues heureuses qui nous permettent d’échanger et de progresser. Aussi nous espérons que cette étude à laquelle vous avez peut-être contribué vous interpelle sur les cas cliniques que vous avez rencontrés, en tant qu’infirmiers ou médecins de santé au travail. Mais peut-être avez-vous eu d’autres expériences d’information ou de formation reçues, suffisantes ou insuffisantes. Vous avez également peut-être été confrontés à d’autres cas de projections chimiques oculaires. Ces nouvelles informations peuvent permettre d’affiner l’étude préliminaire que nous avons préalablement réalisée grâce à l’ensemble des contributions des personnels de prévention. Merci de les partager à nouveau.

Janine Bigaignon, infirmière du travail

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